• Mythes et légendes : Morelon scout.

    Je vais parler de moi, dans cet article. 

    Je ne crois pas aux fantômes, je ne crois pas aux horoscopes, je ne crois pas aux petites superstitions, aux "bonne merde" avant de jouer sur les planches ou de plancher sur un examen, aux souhaits qui se réalisent en jetant des pièces dans un puits, en regardant une horloge quand il est 11h11. Je ne crois en aucun dieu, en aucune entité supranaturelle, en aucune abstraction absolue.

    Mais j'aime jouer avec le monde et ses croyances, j'aime les coïncidences, j'aime les moments où la croyance côtoie le monde réel. Je vais raconter une de mes histoires de scouts, que j'ai raconté plusieurs fois à mes amis, qui peuvent passer leur chemin ; rien de nouveau pour eux.

    J'étais alors chef de la patrouille du Bison, il y a deux ans de cela. Nous étions en camp dans le Vercors, dans le sud de la France, un camp superbe dans un cadre à couper le souffle, notamment pendant le hike ; les crètes à longer, les montagnes à arpenter, les rivières à traverser, les villages à visiter, les pas (sortes de chemins en pente caillouteux serpentant le long de falaises), les champs roux sous un ciel chaud et plein d'un azur poussiéreux... Un rêve de randonneur. Un pur rêve. Le hike était une marche d'une centaine de kilomètres autour du Mont Aiguille, une montagne étrange qui de face était une aiguille verticale, de profil, c'était un mur rocheux. Dans les proportions, il faisait penser à un paquebot de pierre. Perdus le deuxième jour de marche, nous avons fait le tour de cette montagne en longeant les falaises qui lui font face - le Mont Aiguille est enfoncé dans le creux d'un plateau dont nous avons exploré le bord en cherchant un moyen de redescendre. 

    Dans ce cadre, après avoir parcouru la région pendant 4 jours, j'emmenai la patrouille dans un "raccourci" : en coupant à travers prés, je comptais traverser une rivière pour gagner quelques kilomètres. En arrivant près de la rivière, je vis que le chemin était coupé par ce que les gens de la région appelaient une pierraillère ; un sol sec de terre et de roche mêlé. La perspective m'empêchait de voir si cette pente était continue jusqu'à la rivière, je décidai de laisser la patrouille en amont et de descendre la pierraillère afin d'apprécier la possibilité de traverser cette rivière. Je remarquai en descendant qu'il y avait un à-pic de quatre à cinq mètres. Ayant décidé de remonter, un petit pan de terre se dérobe sous mes pieds, et je commence à dégringoler en m'écorchant les articulations dans un roulé-boulé grotesque ; me voilà pendant ce qui me semble durer des secondes entières au-dessus de quatre mètres de vide, dans une position horizontale, prêt à m'écraser sur un lit de pierre que couvre une dizaine de centimètres d'eau.

    Je tente de me redresser pour tomber de manière un peu plus sûre et réussis à atterrir comme un acrobate : les bras tendus, sur les pieds. Mais au moment où mes pieds ont touché le sol, la hauteur de la chute et le poids de mon sac à dos (plus d'une dizaine de kilos) font que mon éclat artistique ne dure pas ; je m'écroule dans l'eau sous le poids soudain. Je ne me souviens pas d'avoir perdu mes esprits à ce moment-là, mais l'eau froide agit comme une claque et je me redresse. Voyant les cartes partir, entraînées par le courant, je commence à courir, et les attrape. Mes scouts, plus hauts, n'ont vu de ma chute que mon étalage sur la pierraillère, et inquiets, ils sont soulagés de voir que je suis en état de courir. Arrivé à la berge (de l'autre côté de celle constituée par la petite falaise), je sens soudain une douleur fulgurante me traverser le pied. Surpris, je pousse un cri intense, serrant les poings et m'écroulant à nouveau. Je sors mon portable de ma poche et commence à appeler les secours, les chefs, et j'envoie un SMS à mon père pour le prévenir. Mes scouts vont quant à eux chercher des secours au village le plus proche (Prébois, il me semble).

    L'endroit étant particulièrement inaccessible, les secours mettront trois heures à arriver. Trois heures d'attente sous un soleil de plomb, sans eau autre que celle de la rivière, que je n'ai pas bue ; pas besoin d'autres incommodités que celle d'un pied probablement pété.

    Le soleil. L'attente. La douleur s'estompe. L'attente, toujours. Je sors mon appareil photo et continue le petit reportage du hike, la voix déformée par le choc.

    Quand les secours arrivèrent, ils estimèrent l'accident comme équivalent à une chute de dix mètres, et commencèrent à m'examiner ; pas de dégâts à la colonne vertébrale, les jambes avaient bien tenu le choc, pas de traumatisme majeur apparent, même pas d'insolation. À l'hôpital, on décela quatre doubles fractures au métatarse ; une pierre plus pointue avait cassé mon pied sur toute sa largeur. Mais les os étaient en place ; pas besoin d'opération, un plâtre directement posé suffirait. 

    Quand j'étais en bas de cette falaise, un papillon s'est posé sur moi. Par réflexe, je le chasse, mais il revient. Il volète autour de moi, se pose, et semble me regarder. Dans beaucoup de cultures, le papillon a un symbole de passage de la vie vers la mort, et de la mort vers la vie. Et le voir là me fait réaliser combien j'ai eu de la chance. La probabilité de mourir dans un tel accident était très forte. À l'hôpital, un gars sérieusement amoché avait pour raison de son état d'être tombé du troisième échelon d'une échelle. Qu'est-ce qui m'avait sauvé ?

    • Me redresser lors de la chute : j'ai ainsi évité des chocs à la plupart de mes os, organes, muscles.
    • Mon sac : même s'il m'a alourdi pour la chute, sa grande taille et un bon attachement ont protégé ma colonne vertébrale et évité de graves dommages.
    • Mes chaussures : serrées à mort, elles ont immobilisé les os quand ils se sont cassés et les ont maintenus à une bonne place.

    Je ne crois en aucune superstition, et ne pense pas avoir de croyance. Mais ce papillon... Certaines personnes pensent que les papillons apparaissent dans les événements de mort imminente. Et d'en voir un, surtout aussi confiant et amitieux, va-t-on dire, m'a quand même bouleversé.

    Ah oui, comme j'étais pas dans un endroit accessible, je suis allé à l'hôpital en hélicoptère. La classe, hein ?

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  • Commentaires

    1
    Grabouilleuse Profil de Grabouilleuse
    Dimanche 1er Janvier 2012 à 11:27

    C'est assez la classe l'hélicoptère, effectivement :p

    Je suis comme toi: je ne crois en aucune religion (ça m'arrive de dire 'Oh mon Dieu' quand je suis dans une situation embarassante ou précaire, mais c'est comme tout le monde, je ne pense pas vraiment à un vieux monsieur barbu disposant des pleins pouvoirs), ni au destin, et tout ce genre de truc qui va le plus souvent avec.

    C'est assez étrange le coup du papillon, mais peut-être étais-tu en état de choc ? La peur donne parfois des idées bizarres. En tout cas, c'est vrai que tu as eu de la chance. Quelle histoire! Tu as continué tes randos de scout, après cet accident ?

    2
    Dimanche 1er Janvier 2012 à 11:33

    J'étais en état de choc, mais le papillon était vraiment là, d'ailleurs quand j'ai filmé le moment après l'accident (héhé, réflexe journaliste), j'ai pris des photos et des vidéos du papillon, mais malheureusement, mon disque dur a claqué avec toutes mes photos de camp dedans... Et un document vidéo de 40 minutes sur la rando...

    J'ai continué encore une année les scouts, avec une superbe randonnée en Italie avant de devoir ranger le foulard de scout, ayant atteint les 18 ans...

    3
    Grabouilleuse Profil de Grabouilleuse
    Dimanche 1er Janvier 2012 à 11:35

    Je ne savais pas qu'il y avait un âge limite au scoutisme... je pensais que les personnes atteignant leur majorité pouvaient passer encadrants bénévoles, ce genre de choses!

     

    4
    Dimanche 1er Janvier 2012 à 11:37

    Oui, mais j'ai pas vraiment eu (d'abord l'envie puis) l'occasion de devenir chef dans ma troupe, mais bon, qui sait ?

     

    5
    Lerot
    Dimanche 8 Janvier 2012 à 16:14

    Pain.

    6
    Lundi 9 Janvier 2012 à 08:33

    Mais-euh. Galago m'a dit qu'y avait pas moyen cette année.

     

    7
    Lerot
    Mercredi 18 Avril 2012 à 21:01

    C'est fini tes betises ici ?

    Va chez le coiffeur et hop en blocus !



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