• Tu devrais t'effacer aux ténèbres montantes
    On devrait se coucher et parler dans l'attente
    Et puis si d'aventure on entendait du bruit
    Dis-toi qu'on a raison d'avoir peur de la nuit
    Dis-toi que rode un monstre au coeur de ces usines
    Qu'il s'adonne au tapage en cognant les machines
    Le bruit de quelques billes lâchées dans des citernes
    Et quand le jour poindra on rira de nos cernes
    La chaleur de l'été ne quitte pas vraiment
    La moiteur de la nuit, le bleu du firmament
    Nous y avons joué au calme des prairies
    Pendant des jours entiers que la mort nous ravit
    On avait fait un feu dans un cercle de pierres
    Traversé la fumée de quelques conifères
    Je devrais t'avouer que tu n'existes plus
    Ton rire a les échos des arbres disparus
    Dans une forêt morte.

    Tu devrais t'effacer aux ténèbres montantes
    On devrait se coucher et parler dans l'attente
    Et puis si d'aventure on entendait du bruit
    Dis-toi qu'on a raison d'avoir peur de la nuit

    A Armand.


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  • Tout pâle, usé, le temps submergé
    La ville des gabelleurs, des paillardises et des teinturières
    Distrait nonchalamment ses carrefours blanchis 
    Sur de très malheureuses églises vaincues d'une dame immortelle

    Quand soudain son époux fit ce nom chétif
    J'égaye dans un corsage qui chante et qui rit
    Mon avocat redit et se regarde ! Ou donc es-tu, ma marmouzelle ?
    Dors ! Tout mon âge enceint te glisse en ceignant

    À ces nuits le gabelleur  se lève de mignotises
    Si tu es jusqu'au profit d'amour
    Je te crois, porte-t-elle,  à supposer ta vêprée !

    Et misérable, elle se tut, regardant l'inquiet présent
    Ses simples satins par un brocant intérieur
    Et sa triste coiffe par un esmouchail de teinturier.

    Un gros cadeau à celui ou celle qui retrouve les quatres textes à l'origine de cette chimère !


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  • Je n'ai pas composé ce poème, mais je l'ai trouvé bien beau (on peut apprécier la poésie religieuse en étant athée), alors je le partage ici. Son auteur l'a oublié dans un recueil de poésie qu'il a vendu à un libraire de la rue Mouffetard, et j'ai moi-même acheté ce livre. Voici donc le poème oublié :

     

    Si la croix fut plantée au milieu du Calvaire
    Evêque tu le sais la Grâce t'y cloua
    Tu connais le chemin, l'aridité des pierres
    Le sang mêlé de pleurs sur qui elle flua

    Tu domines la terre et le ciel de la terre
    Par ta douleur muette au sein de l'éternel
    Mystérieux lieu plus fort qu'une prière
    Colonne de lumière et brillant arc-en-ciel

    Jusqu'à Dieu lui portant l'offre de nos misères
    Et gardant le pêché des âmes toi l'austère
    Toi, le sage et le pur, foulé dans quel pressoir ?

    Et lorsque nous marchons aux routes trop amères
    Le coeur pesant trop lourd de peines solitaires
    Nous regardons vers toi pour conserver l'espoir

    Inconnu, date inconnue, Paris.


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  • Ici un blog réservé aux plus de 16 ans (et pour preuve, c'est le premier message adressé sur ce blog), avec des dessins en noir et blanc.

    Perso j'aime beaucoup, y a des idées charmantes, d'autres plus bizarres, mais c'est toujours intéressant.

    Le blog ici.


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  • Un arrêt de bus. On entend le bus qui s'éloigne. Un jeune homme entre côté cour. Il peste silencieusement. Une vieille dame arrive côté jardin, très lentement. Elle vérifie si le jeune homme est le seul à attendre le bus, toujours très lentement. Elle a peu de cheveux, tient une canne et un chapeau de la main droite. Pour le dialogue qui va suivre, l'homme ne communiquera que par signes.

    LA VIEILLE DAME

    Bonjour monsieur... Vous savez si le bus est déjà passé ? Je ne vois personne d'autre à l'arrêt de bus... Oui ? Oh. Voyez-vous, je me suis dépêchée, et j'ai du mal à mettre mon manteau assez vite. J'habite au coin de la rue, mais ce n'est pas facile de me lever à l'heure. Oh, je suis réveillée, mais c'est se lever. On n'a plus les os solides, et le corps ne répond plus aussi bien... Oh, mon chapeau est tombé. (l'homme lève la main pour faire signe à la dame de ne pas se baisser, et ramasse le chapeau) Merci, monsieur, vous êtes bien aimable. J'ai bien du mal. Je ne devrais pas porter de chapeaux, mon coiffeur me l'a interdit parce que ça empêche les cheveux de pousser, mais j'ai grandi au Brésil, je ne faisais que porter des chapeaux là-bas. Vous connaissez Maurice Béjart ? Je l'ai rencontré alors que je prenais des cours de danse, et il était de passage à Rio. Nous faisions la leçon, et il nous regardait... La leçon se terminait toujours par des improvisations, et quand j'ai eu terminé la mienne, Maurice Béjart est venu vers moi. Il m'a dit alors qu'il était impressionné par ma performance, et qu'il voulait m'avoir dans son ballet en Belgique. Pour moi qui venais de Belgique, c'était incroyable d'être repérée par un maître du ballet belge en suivant des études au Brésil... J'avais 14 ans à l'époque. Je lui ai alors proposé d'attendre le chauffeur de mon père (mon père avait un chauffeur, et cela donnait un grand standing au Brésil). Oh, quel plaisir j'ai eu quand mes parents ont parlé à Maurice Béjart ! Ah, notre bus arrive, enfin...

    On entend le bus arriver, représenté par une foule de gens qui marchent tout serrés. Les deux s'insèrent dans la foule. 

    Donc, où en étais-je ? Oui, Maurice Béjart était alors venu avec moi chez mes parents. Mon père lui disait qu'il savait que j'avais le talent pour jouer avec les professionnels... Je me souviens de chaque mot de cette conversation, même si cela fait soixante ans qu'elle a eu lieu... Que j'étais heureuse ! Un an plus tard, je suis rentrée en Belgique, et j'ai rejoint le ballet de Maurice Béjart. Cela a été la plus belle période de ma vie. Je vous bassine avec tout ça, non ? (signe de dénégation) Non ? Vous êtes adorable. J'ai dansé, dansé, j'ai appris le chant aussi, j'étais la femme la plus heureuse du monde, et même quand il a été temps de quitter le ballet, je continuais à danser et à chanter. Je m'étais mariée, et j'apprenais à mes enfants à danser.

    Et puis un jour, j'ai eu une rupture d'anévrisme. 

    Quand je suis sortie de l'hôpital, j'ai appris que je ne pourrais plus jamais danser. Je pouvais à peine bouger, mais j'étais tellement en colère que j'ai tout jeté à la poubelle, mes partitions, les affiches des spectacles que j'avais donné, toute ma correspondance reliée à la danse, même les lettres de Maurice Béjart... Ce n'est que quand j'ai voulu lancer mes chaussures de danse que ma fille s'est interposée et m'a dit non, maman, tu peux tout balancer si tu veux, mais garde ce souvenir. Vous descendez ici, monsieur ? Je descends ici aussi. Je me souviens de tout ce que j'ai jeté, monsieur, je ne retiens plus beaucoup parce que je suis vieille, mais je me souviens des affiches, des partitions, du contenu des lettres de Maurice Béjart que je connaissais par coeur. Je me souviens de la douleur le lendemain, quand j'ai vu que j'avais détruit tout ce que la maladie avait épargné. Je vois plein de gens parler de la fin du monde, monsieur, mais j'ai vécu la fin de ma vie, et j'aurais préféré la fin du monde.

    Ils quittent le bus qui repart en coulisses. On installe un banc discrètement.

    J'espère que je ne vous ai pas trop embêté avec mon histoire... Bonne journée, monsieur, moi, je vais au tram, vous prenez le métro sans doute ? (l'homme opine) Oui ? Nous nous recroiserons sans doute... Merci, cela m'a fait plaisir de parler avec vous aussi. Au revoir.

    La femme quitte la scène côté cour, toujours lentement. L'homme reste un instant, s'asseoit, et met son visage dans ses mains. Noir.

    A la dame qui partagea un trajet et le récit de sa vie avec moi.


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  • Je te rêve encore
    Sur mon corps crevé
    Et ton corps rêvé
    Il me crève encore

    Je te rêve encore
    Et je t'aime un peu
    Aimant comme on peut
    Ceux restés au port

    Ecrit à Paris, 17 novembre 2012


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